Samedi 18 juin
Comme Jean-Louis était resté à l’hôtel hier soir, nous retournons à Reynir et Reynishverfi et tombons sur « la Maison de Toutou » et une charmante scène familiale.
Nous gagnons Vík pour faire réparer le pneu.
Personne au garage, c’est samedi, lendemain de férié.
La prochaine station est à 70 kilomètres.
Un Islandais, voyant notre détresse, appelle le garagiste qui arrive 10 minutes plus tard, il effectue la réparation pendant que nous retournons avec
Nicolas chercher les poches à glace que nous avions oubliées à l’hôtel.
Ils sont très serviables ces Islandais !!!
Le ciel s’étant éclairci, nous pouvons photographier l’église et ses lupins bleu Majorelle.
Dernier coup d’œil sur la plage de Vík, nous ne changerons pas d’avis à son sujet !!!
Plein, lavage et départ de Vík à 11h.
Pas question de monter à la faille de l’Eldgjá à cette heure.
Nous avions déjà renoncé à Landmannalaugar car notre hôte nous a indiqué qu’il avait neigé cette nuit et que la route était impraticable.
La route traverse le désert de Mýrdalssandur, steppe désertique à la végétation aride.
Nous nous arrêtons au monolithe de Hjörleifshöfdi (butte de Hofði), un rocher montagne de 110 mètres de haut.
La traversée de la Mýrdalssandur est angoissante, les champs de lupins s’espacent, laissant place à une espèce de toundra, puis à un désert de scories noires.
Aujourd’hui, le temps est à l’unisson du paysage : couvert, gris, venteux.
Soudain, à gauche, surgit un champ de Trolls, mais non, déception, il s’agit de la ferme de Laufskálavarða, et les cairns ont été édifiés par les touristes à l’aide de pierres déposées par les Ponts et Chaussées locales.
Et la poésie alors ???
Le paysage change encore.
Le sable fait place aux roches recouvertes de lichens argentés, c’est le champ de laves de l’Eldhraun (la coulée de feu), né de l’éruption du Lakagigar (la rangée de cratères) en 1783.
Nous attaquons la piste du Laki (F206), les paysages sont grandioses, la cascade de ???? (merci de m'indiquer le nom :-) ) n’a qu’un faible débit aujourd’hui, mais est impressionnante. On se l’imagine à la fonte des neiges.
Jean-Louis est de plus en plus vert, vert céladon, assorti aux flancs des montagnes environnantes.
Au deuxième gué, nous cheminons dans le lit de la rivière.
Le cinquième gué est très large, après la lecture du panneau, Jean-Louis est décomposé.
Je sors ma « bible ».
Lecture du chapitre « passage de gué » de Christian Gilabert.
Lecture des conseils d’un "pro du gué".
Envoi de cailloux, réflexion, engueulades : « Vous êtes fous, on rebrousse chemin, on ne passera jamais ».
N’ayant rien dit jusqu’alors, je chausse mes sandales de mer, remonte mon pantalon, attrape mon bâton de randonnée marqué d’un repère à la hauteur du pot d’échappement, et, sous les cris d’orfraie de Jean-Louis, j’affronte les flots.
J’avance pas à pas, sondant avec mon bâton.
L’eau est beaucoup moins froide que je l’imaginais.
Un vieux proverbe islandais dit : En Islande, il y a deux sortes de rivières : les rivières à 4 degrés ... et les rivières à moins de 4 degrés ! "
Je pense que 10° est plus près de la vérité, c’est agréable, mais je ne m’y baignerais pas jusqu’au cou …
Il y a environ 20 centimètres d’eau.
Arrivée saine et sauve sur l’autre rive, les hommes s’apprêtent à traverser, lorsqu'arrive un 4 X 4 en sens inverse.
Petite marche arrière pour observer.
Comme prévu, les autochtones ne ralentissent pas et rigolent en voyant ma tenue de pêcheur à la crevette.
Nous voici repartis au milieu des cratères, des scories et des cendres.
Un petit détour nous permet d’admirer la chute de Fagrifoss.
Au douzième gué, très large et impétueux, j’y retourne. L’eau est toujours à la même température et à la même profondeur.
La piste déserte traverse des déserts de cendres, des zones de cratères ; quelques lacs viennent égayer le paysage lunaire. Superbe panorama sur le Vatnajökull (glacier des eaux).
La route est de plus en plus défoncée.
Arrivés à l’intersection vers Blágil, nous prenons la décision collégiale de faire demi-tour, car nous avons mis 2h30 pour faire 26 kilomètres et il nous reste 20 kilomètres pour arriver au Laki et 46 kilomètres pour revenir.
Il faut être humble devant la nature et ne pas surestimer ses capacités.
Tant pis, mais ne prenons pas de risques.
Petit pique-nique pour nous donner des forces.
La descente ne nous prend qu’une heure.
Il faut dire que comme il n’a pas plu, nous passons les treize gués « à l’islandaise », sans ralentir.
Nous arrivons à notre ferme de Hunkubakkar à Kirkjubæjarklaustur (l’église de la ferme du couvent).
Nous ne regrettons pas de ne pas avoir continué.
Après avoir déposé nos bagages dans notre petite chambre rudimentaire mais très propre, (nous n’avons pas eu droit aux bungalows), nous allons laver la voiture. Elle en a bien
besoin !!!
Nous prenons la route circulaire pour arriver à la jolie cascade de Foss.
Nicolas s'amuse comme un petit fou.
De l’autre côté de la route, les insolites colonnes basaltiques de Dverghamrar entourent un champ de lave recouvert de lichens.
Nous retournons dîner : soupe aux asperges (encore), côtes de mouton, gâteau à la cannelle et glace à la vanille.
Bien lestés nous effectuons notre sortie vespérale vers l’est.
Après Foss, le paysage est bucolique, dans de vertes prairies pâturent agneaux et brebis, la rivière serpente, mais deux kilomètres plus loin commence l’enfer ; nous débarquons sur une autre planète.
Nous sommes dans l’Öræfi.
Jusqu’en 1974, la route s’arrêtait ici et ne se poursuivait qu’à partir de Höfn.
Pour continuer la route, il fallait faire le tour par l’ouest et le nord ou rallier l’est par la mer.
Des fermiers acheminaient les voyageurs dans leur charrette, et parfois, les sables mouvants absorbaient chevaux, charrette et humains.
Nous arrivons à Núpsstaður et sa ravissante petite église recouverte de tourbe datant du XVII° siècle. A l’intérieur, un magnifique harmonium, paraît-il, toujours en service.
C’était peut-être la voiture du prêtre !!!
Nous traversons le Skeiðarársandur désertique, stérile, noir, déprimant.
Les sables noirs résultent des crues cataclysmiques (jökulhlaup) causées par les éruptions sous-glaciaires des volcans Grímsvötn et
Grænalón.
Ne trouvant pas le monument érigé en mémoire des coulées de 1996, nous rebroussons chemin au niveau du pont sur la Gígja.
De nouveau, nettoyage de la voiture à Kirkjubæjarklaustur (prononcer : Kir-kiou-bé-yar-klaos-tur, ce n’est tout de même pas sorcier !) car elle est pratiquement aussi sale qu’à la descente du Laki.
Nous cherchons, en vain, le pavement basaltique de Kirkjugólf (le pavement de l’église).
La légende raconte que lors d’une éruption, un pasteur fit à ses ouailles un sermon hors du commun sur le feu et le soufre (le sermon du feu) pour que cessât cette apocalypse. La coulée de lave s’arrêta juste avant les premières maisons et épargna le village.
Une chapelle, édifiée sur l’emplacement de l’ancienne église en commémore l’histoire.