Mercredi 22 juin
Il ne pleut pas.
A notre immuable petit déjeuner s’ajoutent des filets de harengs marinés. Il fallait oser y goûter à cette heure matinale, je l’ai fait, les hommes n’ont pas osé.
Nous empruntons la 864, route déserte traversant un désert gris parsemé de pierres polies par le vent, pour rejoindre le parc national de Jökulsárgljúfur (le canyon de la rivière glacée).
La plus puissante chute d’eau d’Europe, Dettifoss, s’élance dans un fracas assourdissant d’une hauteur de 44 mètres et 100 mètres de large au bout d’un canyon creusé dans le basalte. Son débit est de 500 mètres cubes par seconde.
Nous marchons 10 minutes sur un petit chemin qui la surplombe pour nous en approcher. Nous sommes trempés par les embruns.
En suivant le cours de la Jökulsá á Fjöllum, nous continuons au milieu des rochers et des marécages, nargués par un pluvier doré qui trottine devant nous sans que nous puissions le photographier ; depuis plusieurs jours, nous rencontrons ses congénères qui se comportent comme lui. C’est certainement un stratagème afin que nous ne trouvions pas son nid.
Photo ruv.is
Nous arrivons en 25 minutes à la cascade de Selfoss, où plusieurs cascades se fracassent de 10 mètres de haut en arc de cercle, sur une très grande largeur, sur des éboulements de colonnades basaltiques. L’eau s’infiltre dans les fissures, gonfle en gelant et fait éclater la roche. Les tuyaux d’orgue finissent par se détacher un à un.
Nous reprenons la route en tôle ondulée, elle est si mauvaise, qu’elle aurait dû être classée F. Les véhicules « normaux » ont l’air de souffrir.
Nicolas aperçoit un cratère, gueule en biais, qui laisse voir des scories rouges et noires. Il bifurque, en suivant des traces anciennes.
Jean-Louis « Trouillot 1er » commence à paniquer et lorsque nous approchons, il s’écrie : Vite, demi-tour, ça chauffe, ça chauffe !!!
Mais non, le volcan n’est pas en éruption, c’est juste Nicolas qui a mis le chauffage à fond pour se sécher les pieds !!!!! Ca promet demain !!!
Nous arrivons à la cascade de Hafragilfoss, haute de 27 mètres, que nous découvrons d’en haut.
Ces trois chutes forment un ensemble unique au monde.
Nous parvenons à Ásbyrgi (la forteresse des Dieux) en franchissant un pont tout neuf sur la Jökulsá.
Le gigantesque ravin en forme de fer à cheval décrit un arc autour d’une végétation composée de bouleaux tortueux, de saules arctiques et de sous-bois propices à la promenade.
Photo Jónas Gunnlaugsson ismennt.is
Deux théories tentent d’expliquer sa formation.
Si l’on en croit la mythologie, il s’agirait de l’empreinte de Sleipnir, le cheval d’Odin qui courait sur terre, sur mer et dans les airs, grâce à ses 8 pattes. L’explication plus scientifique attribue ce phénomène géologique à une éruption du Grímsvötn qui aurait provoqué une gigantesque coulée d’eau, qui, ne pouvant s’évacuer par la rivière Jökulsá á Fjöllum, aurait jailli ici et formé le canyon.
Nous nous baladons dans le sous-bois, c’est reposant. Il fait frais et l’humidité fait ressortir l’odeur d’humus.
Les saules,
camarines
myrtilles et bartsies, tapissent les sous-bois
Photo Wikipedia
Quelques grives mauvis nous accompagnent.
Nos pas nous mènent près d’un petit lac où s’ébattent quelques canards et canetons Une bergeronnette sautille de rochers en rochers.
Plus loin, agrippés au bord de la falaise basaltique (100 mètres), couvent des pétrels.
Photos Wikipedia
Un panneau nous indique la direction d’une source, c’est une vaste fumisterie, il s’agit tout simplement d’un robinet !!!
Nous décidons de déjeuner au bord de l’Océan Glacial Arctique dans la péninsule de Tjörnes.
A partir de Lón, le brouillard tombe.
Nous ne pouvons nous arrêter où nous le désirons car il n’y a pas d’accès à la plage (on se demande bien pourquoi !!!).
Enfin, nous pouvons stopper sur une aire d’information, en contre-haut de l’océan. Les contours de l’ Öxarfjörður sont noyés dans les brumes. Nous sortons pour admirer le paysage, mais le vent sibérien nous plaque contre la voiture.
Vite, au chaud.
Nous dégustons nos sandwiches au saumon fumé avec, en toile de fond, l’Océan Glacial Arctique.
Ça a de la gueule, non ?
Nous nous arrêtons à la ferme de Mànàrbbakki et visitons un musée de la vie et des commerces d’autrefois, notre guide, nous explique le fonctionnement du téléphone au début du XX° siècle, le N° des abonnés était un code en Morse.
Les maisons traditionnelles sont rares en Islande.Un toit recouvert de plaques de gazon, des pièces enterrées, des murs constitués de blocs de tourbe, des ouvertires réduites garantissaient aux habitants une isolation contre la rudesse du climat
Le musée minéralogique d'Ytri-Tunga est exeptionnellement fermé, tant pis, nous ne verrons pas les fossiles découverts dans les différentes strates de la falaise de Tjörnes
Au large, l île Lundey sanctuaire pour macareux et fulmars que l'on peut découvrir à partir d'une excursion au départ d'Húsavík.
Avec Nicolas nous avons parié que nous nous baignerions jusqu’aux genoux, dans l’Océan Glacial Arctique.
C’est dit, c’est fait.
Et dans Océan Glacial Arctique, il y a : glacial et arctique. Brrr.
Renseignements pris auprès du guide de la ferme de Mànàrbbakki, la température de l’eau est de 3°.
La baignade ne dure que trois à quatre minutes, nos jambes sont tétanisées. Vite, nous revenons nous sécher dans la voiture.
Nous flottons dans nos chaussures, nous avons bien perdu 2 pointures !!!
Les chairs sont bien raffermies. Il nous faudra 48h avant que les pieds ne reprennent leur taille normale.
Dommage de bénéficier d’aussi belles plages et de ne pas en profiter ….
Deux carrés de chocolat pour nous remettre de nos émotions et en route pour Húsavík (la baie des maisons).
Nous montons jusqu’en haut du tire-fesses utilisé par les skieurs pour avoir une vue d’ensemble sur la ville.
C’est un port pittoresque, autour d’une église rénovée.
L'église au clocher caractéristique vert et blanc a été édifiée en 1906, son architecture « en croix » est unique en Islande.
A l’intérieur, de belles banquettes en bois ciré, aux coussins recouverts de toile grège cachent des radiateurs.
On peut être dévot et aimer son confort !!!
Une gentille jeune fille préposée à la garde de l’église nous donne l’autorisation de photographier les merveilleux objets en bois sculpté.
Nous effectuons la réservation de la croisière des baleines pour le lendemain matin.
Visite du musée des cétacés. On y apprend plein de choses sur les baleines, orques, dauphins ; nombreux squelettes. Vidéos sanguinolentes sur la chasse à la baleine qui n’a jamais été pratiquée à Húsavík.
Il est fâcheux que rien ne soit expliqué en français, hormis les interdictions.
Nous rejoignons notre hébergement de Þinghúsið Hraunbær et nous avons la bonne surprise d’être logés dans deux jolies chambres donnant sur la Laxà (rivière aux saumons).
Notre accueillante hôtesse nous a élaboré un délicieux repas : soupe aux champignons, poisson, légumes habituels, skyr.
Nous laissons Jean-Louis discuter avec des Belges, et nous allons laver la voiture à Húsavík.
A l’aller, nous avions repéré un lac où l’eau fumait.
Munis de nos maillots de bain, nous allons tâter la température.
Déception, l’eau est à peine « dégourdie ». Pas de bain chaud ce soir, cela nous aurait pourtant changés du bain de l’après-midi !!!
Surprise, arrivés à Húsavík, le soleil brille sur l’Ile Flatey.
Nous allons voir les séchoirs à poissons.
Cela ne doit pas être la saison, car ils sont tous vides.
Une sterne nous attaque et lâche une bombe malodorante que nous évitons.
Nous rentrons sous la pluie.
Nous annonçons la bonne nouvelle : le soleil est à Húsavík.
23h50, le soleil darde de ses derniers feux les frondaisons de Þinghúsið Hraunbær, nous attendons notre premier soleil de minuit et traînons dehors jusqu’à 1h en photographiant.
Je ne sais pas si c’est la proximité du cercle polaire, mais nous n’avons jamais connu une aussi belle et douce lumière cuivrée mordorée.
Le soleil, déjà bas sur l’horizon enlumine le décor de fils d’or.
Il va falloir aller dormir.
Curieuse et interrogative sur le lieu où le soleil se lèvera, je ne peux m’endormir, d’autant que les oiseaux gazouillent.
Quand se reposent-ils ?
N’ayant pas baissé les stores (pour une fois qu’il y en avait !!!), en attendant, je lis, sans lumière bien sûr.
Je constate que le paysage rougeoie, les derniers rayons d'or du jour s’endorment dans la Laxà en roulant dans un reflet du courant.
Je me précipite dans la salle de bains et assiste, émerveillée, au coucher du soleil rougeoyant à 2h40.
A 2h50, il pointe le bout de ses rayons, toujours à l’est (?), 2 degrés plus à l’est, (nous avions emporté une boussole) et reprend son ascension.
Il va falloir réviser notre astronomie !!!!!
Satisfaite, je fais le contraire du soleil, je vais me coucher.
La vue de notre chambre est féerique, la Laxà scintille au soleil levant autant qu’au couchant.
J’aperçois le dos irisé des saumons venus respirer, les oiseaux pépient de plus belle en joyeux conciliabules pour saluer cette nouvelle journée qui commence.